"Nous n’avons nul besoin d’une démocratie des blindés.” La sentence d’Ouyahia renvoie maîtres Farouk Ksentini et Miloud Brahimi, qui venaient de proposer la garantie de l’inviolabilité de
la future Constitution normalement démocratique, à leurs classes et, du coup, remet les consultations de la commission Bensalah à leur réel statut : avant même qu’elles ne soient
achevées, une autorité exécutive fait le tri de ce qui l’agrée et ce qui lui déplaît.
Au demeurant, le Premier ministre dit que “nous n’avons nul besoin de démocratie des blindés”, et si le “nous” renvoie à son régime actuel, il pouvait s’arrêter à “démocratie”. En revanche, il ne
peut pas prétendre se passer des “blindés”.
à commencer par le vote “discipliné” des casernes qui, avec la fraude, a permis le résultat de 74% de 1999.
On ne peut pas dire, non plus, que l’armée fut impartiale en 2004, quand l’armée a aboli le vote des casernes et énoncé, avec une solennité inédite, qu’elle serait enfin neutre mais, plus encore,
qu’elle ne serait pas indifférente aux velléités du futur Président de… changer la Constitution pour en faire “chaussure à son pied”. “Il nous trouvera (dans ce cas) sur son chemin”, avait écrit
dans sa “Lettre” d’El-Djeïch un influent général. On connaît la suite. Les suites.
On se souvient des spectacles des stagiaires de police alignées devant un bureau de vote pour femmes à Alger.
La fraude, comme instrument technique de prise et de conservation du pouvoir, n’est plus à démontrer. Le président de la République vient de le reconnaître de fait, en promettant une nouvelle
fois que les législatives de 2012 seront transparentes. Et, dans ce procédé, c’est bien l’entremise de l’Armée qui impose la partialité active de l’administration et la dépouille de sa neutralité
de principe.
Comme l’expliquait Benchicou dans sa chronique d’hier, il n’est plus certain que janvier 1992 fut conçu comme un acte de sauvegarde de la République. Il aura, objectivement, servi à passer
partiellement le gué en attendant d’installer un régime pro-islamiste qui rendrait réalisable la jonction des intérêts rentiers et du programme intégriste. Les “éradicateurs”, qui ont cru à une
intention républicaine de l’Armée en 1992, ont fait les frais du compromis historique ; on veut lui refaire faire les frais d’une pseudo-solution turque en 2012.
Le système, qu’il exhibe sa facette civile ou qu’il se présente sous sa facette militaire, a largement dilapidé, et en plus d’une occasion, son crédit quant à la virtualité de se réformer par
lui-même. à chaque avis de turbulence, des consultations auprès de sa traditionnelle clientèle politique, réveillant y compris ces esprits toujours assoupis entre deux invitations, précédent des
élections préfabriquées, le tout donnant à ce système l’illusion de river ses opérations de replâtrage au souffle de la société.
Le procédé ne fait justement plus illusion. Mais des “acteurs” jouent le jeu de leur rôle. Et quand certains d’entre eux, convaincus de la préséance encore incontournable du pouvoir militaire,
osent encore songer à une vertu démocratique de l’armée, cela offre le loisir à des dignitaires du régime de s’effaroucher devant cette perspective !
Les militaires oui, la démocratie non ! En effet, au pouvoir, on ne peut avoir l’un et l’autre.
M. H.